Les peuples asservis perdent un bien plus précieux que leur liberté : ce qu’on appelait jadis leur âme, ce qu’on nomme aujourd’hui leur identité.
Au XVIIIe siècle, pour fuir la domination des Turcs, des milliers de Serbes émigraient dans l’empire voisin, l’Autriche. Mais beaucoup d’entre eux rêvaient d’une terre plus lointaine, slave et orthodoxe comme la leur, où ils pourraient refaire leur vie : la Russie.
Migrations est le roman de cette diaspora. C’est aussi le poème de toutes les espérances et de toutes les nostalgies, le chant des patries perdues et des paradis qui se dérobent.
Au-delà de l’anecdote historique, un sentiment de profonde mélancolie parcourt le livre, lui donne une dimension universelle. Du malheur de notre condition, Tsernianski ne conclut pas à l’absence de dieux. Au contraire, une divinité perfide, qu’il nomme le hasard comédien, semble se jouer cyniquement du sort des individus et des peuples. Il n’y a pas d’Orient salvateur. La terre promise n’existe pas.
Il faut lire Migrations comme on lit Melville ou Tolstoï, en se laissant porter par le flux des mots, la houle des phrases, le rythme sourd, obsédant, qui ponctue cette grande fresque romanesque.